Enregistrement dans les sous-sols de Nellcôte

Pendant que Keith, Anita et leurs courtisans passent du bon temps à « Nellcôte », l’enregistrement du nouvel album en est toujours au point mort. L’objective des Rolling Stones est de trouver un studio d’enregistrement dans la région de Nice. Environ un mois après leur arrivée en France, ils se mettent enfin au travail. Bill Wyman[1] raconte : « l’après-midi du mercredi 5 mai 1971, je suis passé prendre Mick Taylor et on s’est rendus chez Keith. Bobby Keys était déjà là. C’était la première d’une longue série de répétitions en France », mais les Stones ne savent tours pas où ils vont enregistrer alors qu’ils sont déjà en exil depuis un mois.

Après le mariage de Mick, Tommy Weber lui propose d’utiliser son château pour enregistrer leur nouvel album, une proposition que Mick rejette aussitôt. Pendant environ un mois, Mick accompagné de Keith, de Jo Bergman et de Ian Stewart s’entassent dans le minibus Vintage[2] Volkswagen pour sillonner la campagne du Sud de la France à la recherche de l’endroit où le groupe pourrait enregistrer, mais personne ne semble rien aimer. « On a cherché un studio à Cannes et dans la région, calculé combien de fric les Français allaient nous pomper » se rappelle Keith[3]. « On n’avait pas l’intention d’enregistrer dans ma maison. A l’heure actuelle il y a de nombreux excellents ingénieurs français, mais à l’époque dans le Sud de la France il n’y en avait pas, ni de bons studios, ou alors l’équipement y était minable ». Après deux mois de recherche, il n’y a toujours pas de studio d’enregistrement qui pourrait faire l’affaire.  « On s’est même renseigné sur les cinémas et les salles de spectacle qu’il était possible de louer mais rien ne nous convenait » déclare Jimmy Miller[4]. Puis Keith fait remarquer : « On a notre camion, notre studio mobile, pourquoi ne fait-on pas venir le camion ? On trouvera une solution au problème. Au moins on ne devra pas passer par un interprète pour se faire comprendre ». Les Stones se résignent finalement à choisir la facilité plutôt que l’acoustique. Ils s’installent dans le sous-sol de la maison de Keith, le sous-sol qui sera surnommé « Keith’s Coffee House »[5]. Le dernier mot revient à Bill Wyman: « Ils ont perdu un mois et décident l’enregistrer dans la cave de la maison de Keith. Le sous-sol était notre studio de fortune, mais on était sûr que Keith serait là »6….ou du moins pas trop loin.

Andy Johns remplace pour l’occasion son grand frère Glyn en tant qu’ingénieur du son. C’est lui qui a la charge du mixage de l’album. Andy a commencé dans le métier alors qu’il n’avait pas encore 18 ans en travaillant comme second ingénieur d’Eddie Kramer12 sur des sessions d’enregistrement classiques de Jimi Hendrix. Il collaborera entre autres avec Blind Faith et Led Zeppelin. Les Rolling Stones lui sont déjà très familier car il a déjà aidé son frère Glyn sur « Sticky Fingers » aux Olympic Sound Studios et en tant que « tape operator » sur « Their Satanic Majesties Requests ». Suffisamment ambitieux pour sortir de l’ombre de son frère aîné, des autres ingénieurs et producteurs principaux d’Olympic, Johns[6] trouve sa chance, ironiquement, en étant licencié d’Olympic après six mois pour cause de retard. « La chance a voulu que Terry Brown, un ami de mon frère Glyn, avec qui j’avais travaillé plusieurs fois, avait enregistré « A Little Help From My Friends » et « Whiter Shade Of Pale » de Procol Harum à l’âge de 21 ans. Il venait de construire un studio appelé Morgan Sound à Whiston, ce qui m’a donné l’occasion de prendre des responsabilités plus directes en matière d’enregistrement, et j’étais de retour au travail. Puis j’ai pu travailler avec les Rolling Stones grâce à Jimmy Miller et ils ont fait de moi un ingénieur à plein temps presque instantanément ».

Deux mois après l’installation de Keith et d’Anita à « Nellcôte », le 7 juin, le studio d’enregistrement mobile des Stones vient d’arriver de Londres après 4 jours de voyage.  Ce camion, surnommé « Mighty Mobile»[7], existe non seulement parce que les Stones ont, au fil des ans gâché des sommes folles en louant de très chères heures de studio pour se permettre d’y arriver en retard, ou de ne pas venir du tout aux séances, mais surtout à cause du sentiment de culpabilité que Mick et Keith ont eu en laissant Andrew Loog Oldham, leur premier manager, de laisser, sans réagir, licencier Ian Stewart, le sixième membre des Stones. Andy Johns raconte : « je crois que pour se faire pardonner, ils ont fait construire le camion en lui disant : et voilà Stu, tu gères ça ! ». L’idée était que si cela rapportait de l’argent, que Stu pourrait en recevoir une bonne partie et il aurait pu avoir sa propre affaire. Le RMS (Rolling Stones Mobile Studio) est un British Leyland, peint en véhicule militaire, pesant douze tonnes et se déplaçant donc à une vitesse assez limitée. Le camion est acheté pour la somme de 2.000£ et sera transformé : isolé acoustiquement, il est équipé de climatisation et d’un studio d’enregistrement inspiré de celui du studio fétiche des Stone, l’« Olympic Sound Studio » de Londres. La console est une vingt-quatre pistes Hélios customisée, de quatre enceintes Tannoy, chacune haute d’1,5m, d’un magnétophone seize pistes 3M et d’un Ampex huit pistes. Le système communique vers l’extérieur au moyen d’un interphone et d’une caméra, la seule partie de l’installation qui ne fonctionne pas trop bien et qui forcera Andy à se faire les muscles des mollets en sprintant sans cesse du RMS vers la cave de la villa où sont installés les instruments. Le coût total, de l‘aménagement, achat du camion compris se montra à 65.000£, pour le « vrai premier studio mobile d’Europe ». Les Stones l’utiliseront d’abord à Stargroves, pour l’enregistrement de certains morceaux de « Sticky Fingers », ainsi que la version primitive de « Tumbling Dice » et de « Sweet Black Angel ».

Mais avant de commencer l’enregistrement, Stu doit résoudre deux problèmes majeurs : l’alimentation électrique et le problème d’écho. Pour résoudre les problèmes électriques, c’est Chip Monck qui s’en charge, l’éclairagiste étant persuadé qu’afin de permettre au rock’n’roll de s’exprimer il a le droit divin de se brancher sur n’importe quelle source d’électricité disponible. Légale ou non, la solution est toute trouvée et elle fera des économies à Keith : le studio mobile est branché directement sur l’alimentation électrique d’un pylône électrique de la SNCF, situé à l’extérieur de la villa sur la ligne de chemin de fer reliant Nice à Monaco. Chip et Stu sont rapidement aidés par les « cowboys »7 locaux, des amis des cuisiniers de « Nellcôte », qui ont réussi à entrer par la cuisine, prétendant être des amis du personnel et qui ont fini par utiliser la villa pour leurs activités douteuses. Ce que Stu ne sait pas encore, malgré cette solution pour le moins créative, c’est qu’en France la tension n’est pas vraiment des plus stable et que tous les amplis de guitares et le matériel d’enregistrement étant branché au camion, chaque fois que le voltage fluctuait, les fusibles sautaient.

Des années plus tard3, Keith reviendra sur la décision d’enregistrer dans les caves de Nellcôte : « j’aimais l’idée et les autres aussi de ne pas enregistrer dans un studio d’enregistrement. C’était original. Avant, on se disait que pour enregistrer un disque il fallait aller en studio ». Puis on s’est rendu compte que ce n’était pas nécessaire et qu’on pouvait créer un environnement de travail adéquat. Au début on considérait ça comme une expérience et on se disait qu’on irait en studio à l’étape suivante. Mais une fois installés et au vu des premiers essais, on s’est dit à quoi bon. On a tout ce qu’il nous faut ici. On a essayé beaucoup de choses. On a exploré tout le sous-sol, c’est dingue. On essayait la batterie dans différentes pièces parce qu’il y avait plus d’écho, de résonance. On mettait la basse ailleurs, pour trouver le meilleur emplacement pour chaque instrument. Le son de l’album est très dense et on se rend compte qu’il a été enregistré en sous-sol ».

Si Keith à le gros avantage d’être sur place, ce n’est pas le cas des autres musiciens. « Le groupe était éparpillé dans tout le sud de la France », raconte Jimmy Miller3. Il était difficile de réunir tous les membres pour une longue période. Ils se retrouvaient quelques jours ensemble, puis tout le monde rentrait chez lui pour être en famille.  Bianca est dans les dernières semaines de sa grossesse et Mick se rend souvent à Paris. Sa grossesse ne se passe pas dans les meilleures conditions[8]. Elle exige d’ailleurs que son bébé naisse là-bas, quand le moment serait venu, fin octobre. Elle ne se rend à « Nellcôte » que très rarement, à contrecoeur et en revient toujours furieuse à cause de l’une ou l’autre chose qu’Anita a dite ou faite. Les conditions sont loin d’être idéales. « On a eu du mal à se mettre vraiment au travail. Il fallait compter six ou sept heures de voiture depuis chez moi sur ces petites routes », rajoute Charlie. Contrairement aux autres membres du groupe, Charlie Watts est le seul à avoir acheté sa maison : « je m’y suis installé tandis que tous les autres louaient. Et j’ai choisi comme à mon habitude un endroit qui ressemblait un peu au nord du Pays de Galles, isolé et perdu au milieu des montagnes ». Il gardera d’ailleurs sa maison jusqu’à son décès. « Je ne pouvais pas jouer et rentrer à la maison tous les soirs alors je restais chez Keith. J’avais une chambre à l’étage et Keith était au-dessus. On passait beaucoup de temps ensemble. C’était presque insensé. On travaillait à n’importe quel moment de la journée. On pouvait commencer à 23 heures et bosser pendant 12 heures, même chose si cela commençait à midi, peu importe l’heure. Je devais donc rester sur place ». « On passait tous du bon temps mais c’était assez stressant. On s’amusait mais on savait qu’il fallait rentrer. Seul Keith n’avait pas ce problème. Il ne manquait de rien dans sa villa. Le groupe travaillait au sous-sol. Cela devait être le paradis pour lui » rapporte Charlie. « J’avais 21 ans et je me suis retrouvé dans le sud de la France à travailler avec le meilleur groupe du monde » se remémore Andy Johns[9]. « J’étais bien payé, c’était génial. C’était mon initiation à l’univers du rock’n’roll. A l’époque les Rolling Stones étaient le centre du monde. C’était peut-être une illusion mais on avait foi en la musique. C’était l’âge d’or de « la musique changera le monde ». Et toutes ces idioties. Mais ils changeaient vraiment le monde. Les gens ont tendance à oublier ce qu’ils ont accompli ».

La maison et les jardins n’ont pratiquement pas été modifiés depuis la fin de la guerre. C’est sous les escaliers que le sombre mystère de « Nellcôte » a été largement contenu. Selon la rumeur, des interrogatoires auraient eu lieu dans le sous-sol voûté pendant la guerre. Des « swastikas », insignes nazis y étaient encore visibles, des croix gammées sont taillées dans les grilles de ventilation en fer. Lorsqu’à leur arrivée, certains membres de l’équipe se mettent à fouiller dans les vieilles boîtes de la cave, plusieurs flacons de morphine ont été découverts. Ils étaient vraisemblablement destinés à aider au suicide. Pour faire face à l’arrivée prévisible des curieux et des voyeurs, l’entrée de la propriété est protégée par de grands portails en fer et des murs juste assez hauts pour masquer tout intérêt injustifié. « Cela ressemblait plus à un bunker d’Hitler qu’à un sous-sol ordinaire » dit Keith[10].

Les caves de « Nellcôte » étaient très grandes, cloisonnées en une série de petits bunkers. « Il y avait un escalier qui descendait au sous-sol, en bas, il tournait et donnait sur une pièce » se rappelle Bill Wyman1. « Elle devait mesurer environ neuf mètres carrés. C’est là qu’on enregistrait. Il y faisait vraiment chaud et la vapeur se condensait et coulait le long des murs. Mon ampli de basse était sous l’escalier dans un coin. On était tous éparpillés. On ne voyait pas l’ingénieur du son Andy Johns, et lui non plus, ni le producteur Jimmy Miller. On n’avait pas de contact visuel, alors on se parlait. L’environnement était peu propice à la musique. C’est un miracle qu’in y soit arrivés ».

« On a enregistré dans le sous-sol dégoûtant de Keith, qui ressemblait à une prison » raconte Mick Jagger6. « J’aime les très grandes pièces pour enregistrer. Dès que j’ouvrais la bouche pour chanter, ma voix disparaissait. Il faisait tellement humide ». Ce que confirme Keith6 : « Il faisait 120 degrés. Tout le monde était assis en sueur et jouait sans pantalon. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à boire du Jack Daniel’s, parce qu’on essayait de terminer les chœurs sur un morceau ou la voix principale sur « Happy » et la voix commençait à faiblir. Ça te donne une demi-heure de plus. Ce sont les vapeurs qui font ça, mec ».

« Le sous-sol était absolument épouvantable. Les guitares se désaccordaient san arrêt » se souvient Andy Johns6. « Mick se plaignait de la qualité du son. Le matériel fonctionnait mal, la lumière sautait, des feux se déclenchaient. C’était dingue. Les conditions n’étaient pas idéales. Ce n’était pas facile. Les fils traversaient le couloir pour arriver jusqu’au camion. Quand j’avais des directives à donner, je devais faire le tour des pièces pour en informer tout le monde ». Jimmy Miller rajoute : « L’espace était si mal divisé qu’on avait mis le piano dans une pièce, la guitare acoustique dans la cuisine, parce qu’il y avait des carreaux et que ça sonnait bien. Les cuivres étaient dans une autre pièce. Et il y avait un studio principal où on avait mis la batterie et l’ampli de Keith. Bill jouait là aussi, mais son ampli était dans le couloir. « Le plus bizarre, c’est qu’on y perdait les cuivres », rapporte Keith. « Bobby Keys et Jim Price déambulaient en cherchant le bon son et il s’est avéré que le meilleur endroit était au fond d’un couloir étroit, debout, dos au mur. Les câbles de micros serpentaient à leurs pieds. On a fini par les peindre en jaune, les câbles. Et tu n’avais pas la moindre idée d’où tu te trouvais. Parfois Charlie se trouvait dans une pièce et je devais faire quatre cents mètres pour lui dire un truc. Charlie changeait constamment de box du coup on ne savait plus où il avait posé ses fûts ». Charlie3 rajoute : « la batterie a même été enregistrée dans la cave à vin ! ». Quant à Nicky Hopkins[11], personne ne le voit jamais. Son piano et ses claviers étaient installés à l’étage contrairement aux autres et la communication se passait par téléphone !

Les murs sont recouverts de plâtre, ce qui donne un effet comparable à celui d’une caverne. Les murs, les sols et les plafonds des pièces sont finalement recouverts de moquette. « On a commencé dans la pièce sous la cuisine dont je pensais qu’elle conviendrait mais elle n’a pas convenu du tout », raconte Andy. « Le son était absolument merdique. Je les ai fait passer dans une autre pièce, mais il était toujours difficile d’y enregistrer. Essayer de trouver le bon son dans cet endroit, c’était comme s’arracher une dent, tout le contraire de Stargroves, ou c’était très facile ».

« Dans le studio on ne travaillait que la semaine et on se cassait le samedi et le dimanche », se remémore Bill Wyman[12]. « Donc, le week end, si Keith était en état, il s’amusait avec les gars qui vivaient dans le coin, avec Bobby, Jim et Jimmy. Mais c’était vraiment stupide, pendant la semaine, personne n’arrivait jamais à la même heure ». « C’était vraiment très bruyant » dans cette cave se rappelle Anita3. « Le soir, j’allais parfois à Villefranche. La musique s’entendait jusque-là. Les habitants ont fait preuve d’une patience surprenante parce qu’ils jouaient toute la nuit. Il faisait très chaud au sous-sol où ils enregistraient. C’était un véritable sauna, sinistre et sombre. Sincèrement je ne sais pas comment ils ont fait. Ils y ont mis tout leur cœur ». Elle rajoute[13] : «Et Andy restait assis dans le camion pendant des heures et des heures, à n’importe quelle heure de la journée et de la nuit. Probablement qu’il dormait dans le camion. Il semble que c’était du service 24hr sur 24 ». 

Ce n’est qu’au cours de la deuxième de juin que les Stones jouent vraiment pour la première fois ensemble. Bill se rappelle5 qu’ils ont travaillé chaque nuit de vingt heures à trois heures du matin jusqu’à la fin du mois : « tout le monde ne venait pas chaque nuit. Ce fut pour moi l’une des grandes frustration de cette période » raconte-t-il, une situation différente de l’enregistrement des deux albums précédents : «on écoutait notre producteur Jimmy Miller. A Nellcôte les choses étaient très différentes et j’ai mis un certain temps à comprendre pourquoi ».

Keith s’entête à vouloir continuer à enregistrer dans cette cave et dans le salon. Alors que quelques années auparavant c’est lui qui engueulait Brian lorsqu’ ‘il arrivait en retard aux enregistrements, c’est maintenant à son tour de faire la même chose. Sa vie se passe dans un espace temporel qui lui est propre, ce qui devient un véritable cauchemar pour les autres membres du groupe et les techniciens. Quand les Stones auront besoin de Keith, la seule chose qu’il y aura à faire, car personne n’ose monter le chercher à l‘étage, c’est de cogner très fort sur les tuyaux du chauffage afin de le faire dévaler aussitôt de l’escalier, sa guitare à la main. « Parfois je me réveillais et j’entendais un grondement qui provenait du sous-sol. Je me rendais compte que j’avais passé la journée à dormir et eux ils travaillaient. Quand Jimmy Miller était là, et qu’il y avait aussi les techniciens je disais : « au boulot ». Et eux : « mais il n’y a personne ».   Je répondais : « je peux jouer moi ». Peu importe qui était présent, quand on avait une idée, on se réunissait et on se mettait au boulot », se rappelle Keith5. « Jimmy habitait dans une maison juste au- dessus de « Nellcôte ». Je me souviens qu’il était dans cet endroit bizarre là-haut. La maison de Keith était la seule au bout de cette pointe ».

Enregistrer dans la cave ne garantit donc pas que Keith y sera. Il disparait souvent en prétextant qu’il doit coucher Marlon. Et personne n’ose le suivre, ni Mick, ni Jimmy, ni Andy. De temps en temps en fin d’après-midi on le trouve dans le salon occupé à repasser un riff qu’il fait passer et repasser. Puis il disparait à nouveau pour aller faire un « fix » et s’endort jusqu’à deux ou trois heures du matin. Rose Taylor passait souvent la nuit à attendre Mick Taylor jusqu’à ce qu’il ait fini d’enregistrer : « je n’ai jamais vu Keith faire autre chose que boire du Jack Daniels ou fumer un joint ». Il arrive régulièrement que Mick Jagger, Jimmy Miller et Andy Johns se retrouvent au bas de l’escalier, entrain de tirer à la courte paille pour désigner le volontaire qui ira chercher Keith. « Pour Keith, le temps est une notion très flottante. Il n’y attachait aucune importance…c’est normal de travailler de 20h le soir jusqu’à 15h le lendemain. Mick il travaille de 20h à minuit, puis il rentre chez lui » raconte Charlie. « Moi en tant que batteur, je me retrouvais coincé. A « Nellcôte » cela ne posait pas de problème, j’y vivais. Je me fichais de l’heure où j’allais me coucher. C’est vrai. C’est comme ça que Keith travaille. En plus lorsqu’on avait d’autres occupations, on pouvait ne pas travailler pendant deux jours et ensuite travailler sans dormir les deux jours suivants. Keith aime composer un bon morceau, le garder, et le repasser encore et toujours pendant un an. Cela lui plait. Mick et moi, on va plutôt le réécouter une fois et ne jamais le repasser. Et Mick le réécoute seulement au moment du mixage. Alors que Keith le repasse sans arrêt. Keith est la personne idéale pour… si on lui demande un morceau qu’on a fait deux ans plus tôt, il l’aura et il saura. Si c’est un bon morceau, il le retrouvera. C’est sa manière de jouer qui me rappelle les musiciens de jazz. Jouer avec Keith est très agréable et c’est très facile. Avec lui, chacun est son propre juge. Il ne dit pas que ce qu’on joue est mauvais. Et il ne s’arrête de jouer en aucun cas. Il est du genre : « si tu veux jouer comme ça, voyons ce que ça donne ». » Moi je n’aime pas, mais si tu aimes bien… ». C’est très agréable de jouer avec lui, il est très accommodant. Et quand la musique est bonne il ne tarit pas d’éloges. C’est toujours un plaisir ». « Une autre chose assez remarquable, c’est que Keith ne dort pas beaucoup, je veux dire par là quelques heures à gauche et à droite, mais pas plus », se rappelle Bobby Keys[14]. « Et bien entendu c’est ce que je fais aussi parce que je suis assez bien en phase avec lui ».

Andy Johns[15] admet volontiers que pendant son séjour en France, il n’a jamais entendu autant de bonne musique de sa vie, la plupart émanant de la chaîne stéréo de Richard ou de sa guitare. Un jour, après un somptueux déjeuner, Andy a eu droit à un concert acoustique privé : « Keith a commencé à chanter ces chansons de cow-boys et sa voix était incroyable ». Andy s’enthousiasme, « Alors j’ai dit, bon sang Keith, quand vas-tu faire un album de tes chansons, parce que c’est tellement bon ? ». Et Keith m’a répondu « Non, mec », mais j’ai continué à le harceler et j’arrive toujours à mes fins. Mais, fin juin, les Stones n’ont toujours pas enregistré une seule chanson. A partir du 6 juillet, ils s’enferment littéralement dans la cave, mais au début, rien d’utilisable ne sortira des entrailles de Nellcôte. « Pendant deux semaines, on a enregistré des jams et la plupart de ces nuits étaient mornes et ennuyeuses », raconte Bill Wyman. « Ce qui se passait c’est qu’ils jouaient mal pendant deux ou trois jours, puis soudain Keith se levait et regardait Charlie, et ça voulait dire qu’il allait se passer quelque chose » se rappelle Andy Johns5. « Bill inclinait sa basse à un angle de 84°, et le moment était arrivé. Cela allait être la bonne. Et là ils jouaient cette musique magnifique, divine ». « C’était une période incroyablement prolifique », raconte Mick Taylor5. « Dès qu’on entrait en studio et qu’on prenait nos guitares on savait ce qu’on avait à faire. Rien ne pouvait nous perturber ». « C’était …on jouait ce qui nous venait spontanément » dit Bobby Keys5. « C’était une manière de jouer et d’enregistrer très différente de ce que je connaissais. Normalement on sait quelle chanson on joue. Bien sûr il y avait de l’herbe, des bouteilles de whisky, des bouteilles de champagne, des filles en tenue légère. C’est ça le rock’n’roll. Sinon ça n’a pas de sens ».

Keith et Anita se sont remis depuis quelques semaines à l’héroïne en consommant la drogue dont le ravitaillement a été initié par Jean de Breteuil auprès de la mafia corse, mais également auprès des « cow-boys »2 locaux de Villfranche-sur-mer. Keith se fait même expédier de la drogue qui trainait encore dans sa maison de Cheyne Walk à Londres par « Spanish » Tony. La drogue est cachée dans des jouets pendant le transport. La consommation de drogue à Nellcôte devient ainsi tellement importante qu’il ne se passe plus rien dans la cave au niveau musical durant la première moitié de juillet.

Mick de son côté est fort occupé à calmer les exigences et à exaucer les caprices de Bianca, qui lui fait des scènes et menace sans cesse de vouloir rentrer à Paris. Mick ne passe plus que rarement à « Nellcôte » à tel point que Keith et Mick se mettent à jouer au chat et à la souris dont le but ultime est de savoir celui qui fera le plus « chier » l’autre. Quand Mick est à la cave, alors Keith ne veut pas descendre, jusqu’ à en faire baver Mick. « Charlie, Mick Taylor et moi étions les principaux spectateurs de ces petits jeux », raconte Bill. « Stu, qui nous avait accompagné en France était lui aussi frustré et son 33è anniversaire, le 17 juillet fut certainement pour lui l’un des moins mémorables ». Bill rajoute5 : « le groupe était réuni au complet peut être 30 ou 40% du temps. Le reste du temps il n’y avait que certains membres. Charlie et moi, et Mick ne venait pas, Mick Taylor non plus. Alors Charlie et moi on faisait notre boulot. Le lendemain Keith ne venait pas car Mick n’était pas là. Puis Mick venait et voyait que Keith n’était pas là, alors il ne venait pas le jour suivant. Parfois, on était réunis pour une session et Keith ne venait pas car il dormait à l’étage. Charlie venait cinq heures, Mick Taylor et moi on venait deux heures et Mick une heure. Et Keith était en haut. Il ne descendait même pas. C’était dingue ». Il arrivait également, que l’après-midi, après une bonne nuit de travail, Jimmy Miller se rendait à la villa de Keith et trouvait Mick Jagger mal en point parce que sa partenaire s’était envolée pour Paris[16].

C’est à ce moment que quelqu’un propose que tous les Stones devraient loger à Nellcôte afin que le travail puisse avancer. Bill et Charlie habitent assez loin de la villa et Mick Taylor n’a pas de permis de conduire. C’est son épouse Rose qui doit le conduire tous les matins. « Charlie avait décidé de s’installer à trois plombes de route de moi » déclare Keith. « J’aurais voulu qu’il soit dans les parages pour pouvoir l’appeler et lui dire : « j’ai une idée, mec tu peux passer ? » Mais l’endroit où Charlie avait décidé de crécher parce que ça correspondait à la manière dont il voulait vivre, se trouvait à deux cents kilomètres, dans le Vaucluse, au-dessus d’Aix-en-Provence. Il descendait à Nellcôte du lundi au vendredi, et l’a je l’avais sous la main, mais j’aurais aimé l’avoir un peu plus ». Charlie raconte3 : « Je venais d’assez loin en passant par Nîmes et Aix-en-Provence jusqu’à la maison de Keith. A cette époque il n’avaient pas d’« autoroutes » qui vous auraient permis de faire le trajet en 4 heures. A cette époque il en fallait 6 et demi ou 7 en empruntant des petites routes. Je ne pouvais pas faire cela tous les jours ».

A l’exception de Mick, tout le groupe finit par déménager à « Nellcôte ». Bientôt, le manoir de Keith ressemble à un Edith Grove géant. Disques, bouteilles vides, joints et cigarettes à moitié fumées, guitares et vêtements jonchent le sol et les meubles. Bien que certains de ses amis junkies restent à Nellcôte pendant des mois en tant qu’invités, Keith met un point d’honneur à faire payer à chaque Rolling Stone 250 £4 par semaine pour le gîte et le couvert. Il est au septième ciel. Malgré le fait que le groupe ne s’est jamais entendu plus de quelques jours de suite, pour lui les conditions idéales pour faire un disque sont que le groupe vive tous ensemble et enregistre dans son salon. C’est la seule fois dans l’histoire des Rolling Stones qu’il réussit à créer la configuration parfaite. « Quand on vit avec eux on les voit tels qu’ils sont » se rappelle Anita[17]. On n’a pas le même regard que les gens de l’extérieur. On vit normalement. C’est triste d’entendre les gens dire : c’était du sexe, de la drogue du et rock’n’roll. C’était plutôt : Rock’n’roll, drogue et sexe dans cet ordre-là ». « Cela n’a pas été facile pour Keith et Anita lorsqu’on a commencé à enregistrer, car ils ont dû mélanger leur vie de famille à…, sans vouloir paraître prétentieux, à l’art » raconte Mick Taylor5. « La vie de famille et l’art ne font pas bon ménage. Même si on enregistrait en sous-sol et que cela nous isolait de ce qui se passait dans la maison. Il y avait sans cesse des pannes de courant. Par rapport aux enregistrements actuels c’est assez archaïque, assez élémentaire. Mick devait chanter et il devait utiliser une autre pièce du sous-sol, parfois les toilettes pour enregistrer une deuxième voix. Le groupe s’est approprié la maison et bien sûr c’est devenu une villa de vacances pour tous les amis et toutes sortes d’invités. Et dans cette ambiance de vacances et de fêtes, on essayait d’enregistrer un nouvel album ». « Quand on enregistrait on était entièrement absorbés. On travaillait des heures en sous-sol et peu importe l’heure à laquelle on remontait, il y avait du monde qui faisait la fête. On ne savait jamais à quoi s’attendre. Il y avait constamment du monde à Nellcôte. Il y avait des types étalés par terre qui ne pouvaient pas rentrer chez eux. « C’est bon tu peux dormir sur le canapé ». Nos deux cuisiniers français ont bien fait sauter la cuisine, mais à part cela il n’y a pas eu de dégâts. « Fat Jack », il disait l’avoir fait sauter. C’était un camé. Il allait souvent à Marseille. « Ou est Jack ? » « On est jeudi ». « Ah oui, il est parti se ravitailler », raconte Keith5.

Quand Mick revient de Paris un jour de la fin juillet, il trouve dans la résidence deux nouveaux invités, le chanteur et compositeur Gram Parsons et sa jeune épouse Gretchen. Gram est un vieil ami de Keith, grand connaisseur de la musique country. Son problème est qu’il adore passer du bon temps et se défoncer. Jo Bergman, qui n’a pas vraiment l’habitude critiquer les amis des Stones dira de lui qu’il était une épave, totalement à côté de ses pompes mais à la différence des autres rockers de l’époque, Gram était un gentil. « Il aimait travailler avec Keith » dit Charlie3. « J’étais ami avec Gram mais je ne le connaissais pas bien. J’aime Hank Williams et Bob Dylan, mais tout ce truc à propos de Nashville, je n’en suis pas amoureux. Mais je crois que pour Keith ces chansons sont vraiment très intéressantes, et certains de ces musiciens country sont fabuleux si tu joues de la guitare ». Keith rajoute3 : « lorsque j’ai commencé à passer du temps avec Gram, cela a altéré ma relation avec Mick. Il a du être un peu jaloux, parce que Gram et moi on travaillait souvent ensemble et on faisait de la country, ce qui intriguait Mick. Je ne sais pas si Mick se sentait rejeté parce que Gram et moi étions si proche pendant un moment. Je l’avais connu pendant une période où on n’a pas passé beaucoup de temps sur la route. C’était une vraie libération d’être fourré dans la voiture avec les quatre mêmes gars, dont Brian, bien sûr, qui avait souffert, et donc quand je suis sorti de cette bulle, j’ai pu me faire beaucoup d’amis en peu de temps. J’ai rencontré Gram en 1968 quand il était avec les Byrds. Ils devaient venir en Angleterre pour jouer dans des clubs. Je l’ai rencontré dans un de ces endroits où nous avons commencé à parler. Il m’a demandé si on était allés jouer en Afrique du Sud et j’ai répondu « non ». Nous n’y allons pas, c’est pire que la Géorgie. On a passé la nuit à parler et le lendemain, il a quitté les Byrds. Ils sont allés en Afrique du Sud sans lui. Gram m’a montré les mécanismes de la musique country. Ce type est incroyable. Il n’a jamais eu de disque à succès. Je me demande toujours pourquoi. Gram connaissait des chansons que j’avais oubliées ou que je n’avais jamais connues. Il m’a présenté beaucoup de musiciens, et il m’a montré la différence entre la façon dont la country était jouée à Nashville ou à Bakersfield, les deux écoles, avec un son et une attitude complètement différente. C’était mon compagnon, et j’aurais aimé qu’il reste mon compagnon plus longtemps.

Contrairement à ce qui sera raconté à son sujet, Gram Parsons n’a jamais participé directement à l’enregistrement d’ « Exile ». Il n’est d’ailleurs jamais descendu dans les caves de Nellcôte. Cependant, il aura une influence indirecte sur Keith qui passe des heures à jouer avec lui dans le salon de Nellcôte, alors que les Stones l’attendent pour enregistrer. Keith dira plus tard : « En fait, il a révolutionné la country, hélas il n’était plus là pour le voir. C’est difficile de décrire l’amour de Gram pour la musique. Gram procédait comme moi, jouer quelques accords, faire tourner et voir ce à quoi cela peut mener ». Tout à fais l’opposé de Mick qui préfère s’asseoir et prendre son stylo et d’essayer de faire parfaitement coller les choses. Mick qui ne craint pas du tout Gram, a également des oreilles et ce n’est pas par hasard qu’un des morceaux de l’album, « Thorn And Frey » ressemble parfaitement à l’une des chansons des Burrito Brothers, tout comme « Wild Horses » sur « Sticky Fingers » et « Sweet Virginia », enregistrés lors des sessions de « Sticky ». « Mick en voulait à Gram », déclare Keith. « J’ai été le dernier à comprendre ce qui était évident pour tout le monde autour de moi. Ils voyaient comment ils lui pourrissaient la vie, draguant Gretchen pour le faire chier, lui faisant clairement comprendre qu’il n’était pas le bienvenu. Il ne supportait pas que j’écrive des chansons avec quelqu’un d’autre, c’était une trahison insupportable, même s’il ne l’a jamais dit comme ça ». Malheureusement, Gram se fera jeter de « Nellcôte » et se tuera quelques années plus tard d’un accident d’hélicoptère.

Anita Pallenberg6 raconte : « à bien des égards, Keith était bien préparé à ce qu’il considérait comme la « désertion de Mick Jagger ». Il avait réuni un groupe de soutien, dont les plus importants étaient Bobby Keys, Gram Parsons et un autre bon vieux garçon du Texas, Ted Newman Jones, qui devint son roadie à la guitare, ainsi que le pianiste britannique Nicky Hopkins. Gram et Gretchen Parsons s’installent à « Nellcôte » avec Keith et Anita pendant trois mois. Gram et Keith jouent ensemble lorsque Jagger n’est pas là, c’est-à-dire la plupart du temps. Keith confirme : « Pour moi, Gram était un moyen de sortir un peu des Stones, qui devenaient très claustrophobes ces années-là. C’était très agréable d’avoir un autre musicien, un écrivain, juste pour rebondir sur des idées, sans aucun sentiment d’intrusion. De nombreux éléments se sont combinés pour faire d’Exile un chef-d’œuvre brut et imparfait ».

Contrairement à Gram, Mick Taylor est un Rolling Stone ; il ne se plait pas du tout à « Nellcôte » et doit payer son tribut au groupe tout en subissant des épreuves comparables à celles de Brian Jones. Il comprend rapidement qu’il ne peut survivre à un contact rapproché avec Mick et Keith. Dans tous les groupes cela se passe ainsi. En général le plus jeune devient facilement le bouc émissaire, comme c’est également le cas chez les Beatles ou c’est George Harrison à qui échoit ce rôle. Mick Taylor sera obligé de jouer ce rôle pendant tout l’été dans le Sud de la France. Il reste quelqu’un de solitaire qui s’exprime peu, à tel point qu’il se sent bien plus à l’aise avec un gars comme Bill Wyman. Mick et Bill sont tous les deux des exemples de fiabilité, au contraire des « Glimmer Twins » qui eux ne considèrent probablement pas ce critère comme une qualité. Comme consolation, Mick a pas mal de temps libre et en profite pour apprendre à jouer du piano auprès de Nicky10 : «c’était une opportunité en or et j’espérais qu’en écoutant jouer Nicky, en ayant un piano à ma disposition ». Jagger est constamment sur le dos de Taylor, de toutes les manières possibles, à tel point que certains jours le pauvre Mick Taylor est effrayé à l’idée de devoir descendre à la cave. A mesure que l’été progresse, la tension monte également entre Mick Taylor et Keith qui passe son temps à l’humilier alors que le jeu de guitare de Mick est toujours excellent. « Et pourtant que ce soit à Nellcôte ou aux Sunset Sound, Mick était une étoile brillante », rapporte Andy Johns[18]. « Bien qu’il soit assez taciturne, qu’il jouait de la guitare et qu’on refaisait une centième prise, il venait chaque fois avec quelque chose différent. Son sens de la mélodie était incroyable, d’une tonalité superbe. Quand il jouait du « bottleneck » c’était à mourir. Etourdissant. Je n’ai jamais entendu quelqu’un jouer avec un tel sens de la mélodie. Jamais ». Marshall Chess appréciait également Mick Taylor : « j’adorais quand Keith et Mick jouaient ensemble, parce que Mick était mélodique et Keith rythmique. Mais Keith en faisait baver à Mick, c’est une des raisons pour lesquelles il est parti ». N’empêche, Mick Taylor était présent chaque soir pour des séances où rien ne se passait. Par contre, à part Mick Jagger et Keith, tout le monde respectait Mick Taylor, exactement comme on respectait Nicky Hopkins parce qu’ils étaient lyriques et si bons musiciens qu’ils avaient tant bien que mal réussi à préserver leur innocence. Le seul titre pour lequel Mick Taylor sera crédité au sein des Stones, sera « Ventilator Blues ». D’après Andy il arrivait que Mick arrête de jouer car il était désaccordé et il n’y avait qu’un petit ventilateur qui ne fonctionnait pas très bien devant la fenêtre, dans un coin, d’où « Ventilator Blues ». Coincé entre Mick Jagger et Keith, Mick n’a pas d’autre choix que continuer à venir chaque soir en espérant que l’album se termine au plus vite.

Un soir à Nellcôte, Mick Jagger aborde discrètement Andy assis dans le studio mobile, à propos de Bill Wyman8 : «tu sais, il faudrait probablement qu’on prenne quelqu’un d’autre », lui raconte Mick Jagger. Andy lui répond : « Ecoute, tu sais, pour toi cela ne représenterait pas grand-chose, et ne changerait rien à la situation, mais si tu te débarrasses de Bill Wyman, je rentre immédiatement à la maison ». Bill est l’un des héros d’Andy, à tel point qu’il lui donnera William comme prénom à son fils en l’honneur de Bill après qu’ils en aient discuté un jour dans les « Olympic Sound Studios » et que Bill faisait des « overdubs » en lui disant : « et alors tu viens d’avoir un enfant. Et comment l’appelles-tu  ? ». « William » répond Andy. Bill répond : « Quoi ? ». « Tu as bien entendu », « ah bon ! », lui rétorque Bill.     

Durant une nuit, Keith s’endort, alors qu’il est en train de réaliser un « overdub » sur « Rocks Off », le premier morceau de l’album. Cela n’a rien de nouveau pour Andy Johns : « l’interphone ayant lâché, il fallait que je descende du camion et que je dévale les escaliers en agitant les bras. Et la bande continuait à tourner, pendant que Keith dormait ». Johns décide alors de quitter le studio mobile et de retourner à sa villa. Mais Keith se réveille et voit qu’il est seul. Arrivé chez lui, Andy est prié de retourner à « Nellcôte » à cinq heures du matin. « Keith se met à jouer une partie rythmique. Spectaculaire, ça a fait fonctionner le morceau. C’était excellent. Comme un contre rythme, deux Telecaster, une de chaque côté de la stéréo, c’est absolument superbe. Je suis content qu’il m’ait fait revenir ». Mais les progrès restent bien trop lents. Andy n’a pas grand-chose à faire et avec son co-locataire Jim Price, ils décident d’installer un casino dans la villa qu’ils occupent. « On a acheté une roulette grandeur nature », se rappelle Andy. « Et les gens venaient jouer jusqu’à une ou deux heures du matin, après quoi on jouait au poker. Parfois au craps. Et on se faisait pas mal de fric avec le « craps » et la roulette. On était la banque. Keith est venu un soir mais n’a pas voulu jouer. Je crois que c’est parce qu’il aurait risqué de perdre. Ou parce qu’on aurait pu gagner. Ce qui bien entendu aurait été un crime de lèse-majesté. C’est cette fois-là qu’il ma shooté ». Andy qui n’a encore que 21 ans a déjà sniffé de l’héroïne, mais ne s’en est jamais injecté. « Je m’y suis mis pendant la réalisation de ce projet, parce que c’était facile à obtenir. Marseille était très proche et on pouvait se procurer de la très puissante « China White » pour pas très cher. Alors j’ai commencé à en prendre. Je me faisais tellement chier la plupart du temps. On passait tellement de temps à attendre ». C’est la nuit où Keith a débarqué chez Andy et Jim que cela a commencé. Keith était prêt avec une aiguille et une cuiller. Le lendemain, Andy n’est pas dans son état normal lorsqu’il retourne dans le studio mobile et que Ian Stewart l’interpelle, suspectant qu’il a dû trainer avec Keith. Andy est obligé de supplier Stu, qui est près proche de Glyn, le frère d’Andy de ne pas le dénoncer.

Pendant ce temps-là, alors qu’Anita6 continue de se glorifier en excitant les gens et trouver amusant de les rendre accros, Keith refuse catégoriquement d’initier les autres à la drogue. Ian Stewart voit Keith empêcher des gens de prendre de l’héroïne à plusieurs reprises, et l’un des plus vieux amis de Keith et Anita, Stash Klossowski, témoigne que Keith l’a même sauvé en le décourageant de prendre cette drogue. Jimmy Miller s’y met également et devient à son tour victime de la drogue circulant à Nellcôte. Alors que c’est Jimmy qui a relancé les Stones après l’échec de « Satanic Majesties », il se fait progressivement lâcher par eux après leur avoir tout appris. Ils ne l’écoutent plus et cela l’a fait plonger. Mick et Keith ne sont pas méchants avec Jimmy, mais ils commencent à l’ignorer alors qu’il continue à apporter une immense contribution musicale à l’album. Il joue de la batterie sur « Happy » et aussi sur la fin de « Tumbling Dice ». Pendant l’enregistrement d’  « Exile », Andy Johns et Jimmy Miller deviennent très proches l’un de l’autre : « on était les meilleurs copains, on se voyait tout le temps et on a tout fait ensemble pendant quelques années après ça », dit John. « Mais Jimmy était complètement cramé parce qu’il était devenu un vrai junkie et n’a jamais arrêté ». Marshall Chess va finalement renvoyer Jimmy lors de l’enregistrement de l’album suivant car ils n’en avait plus besoin comme producteur. A « Nellcôte », Bill Wyman fini également par se mettre au hashish tous les jours, tellement il trouve que les séances d’enregistrement sont désorganisées. Pendant qu’Andy essayait d’enregistrer des overdubs de guitare, les gens mangeaient dans la cuisine, ce qui provoquait un chaos gigantesque qui fait littéralement « chier » Bill Wyman qui se découvre un nouveau hobby, celui de photographier les seins des femmes. La villa étant peuplée d’un nombre important de filles mieux fournies les unes que les autres, cela change Bill de son habituelle tenue de registre mentionnant ses prouesses sexuelles durant les tournées.

Bill en a tellement marre qu’il loue un yacht en septembre et s’absente pendant cinq jours avec sa copine Astrid, semaine pendant laquelle Keith enregistre « Happy » avec Jimmy qui remplace Charlie à la batterie. Et c’est Keith qui joue la guitare « bass ». « A mon retour nous avons écouté deux morceaux enregistrés plus tôt », rapporte Bill. « Je me suis immédiatement rendu compte que Keith avait pris sur lui de réenregistrer mes parties de bass sur les deux morceaux. Je trouvais cela très mauvais, et je le lui ai dit. Keith et Jimmy qui trouvaient ma sortie très drôle ont commencé à se marrer. Je suis rentré chez moi furieux, et tombant dans le même piège que les autres, je ne suis pas retourné là-bas le lendemain ». « Happy » est sorti de terre lors d’une séance de balance, lorsque Keith est entouré de Bobby Keys au saxophone baryton et de Jimmy. « Cela ressemblait plus à un échauffement », comme le confiera Keith[19] . Il rajoute3 : « on a fait ça en une après-midi, quatre heures de boulot et c’était plié, dans la boîte. A midi le morceau n’existait même pas, mais on ne peut pas vraiment dire que ce soient les Stones sur ce morceau. Je venais d’écrire les paroles. On l’a fait tourner et ça swinguait. Comme tout était prêt, on s’y est mis en se disant qu’on retravaillerait ça plus tard avec les autres. J’ai pris la cinq cordes slide, et en deux temps, trois mouvements, on avait le morceau. Comme ça. Quand les autres sont arrivés, c’était terminé. N’allez pas penser que je n’ai pas bossé dur ! Parfois j’ai fini sur les genoux ». « J’ai travaillé sur Happy », précise Andy. C’était une vraie surprise. Je ne m’attendais pas à cela. Ça s’est très bien passé, très facilement, pas d’arrachage de dents. C’est lui qui avait le dernier mot. C’est à ce moment que j’ai compris cela ». « Happy » deviendra le morceau fétiche de Keith, la chanson qui exprime le mieux ce qu’il est vraiment. Bien qu’il soit en train de devenir un esclave de l’héroïne, il exprime le sentiment qu’il est libre, que la seule chose qu’il recherche c’est de continuer à rocker, lui qui est issu de la classe ouvrière alors que Mick est à la recherche de la position sociale et de la gloire. Malheureusement, la raison d’être d’»Happy » semble au contraire indiquer que Keith est malheureux.

Puis l’enregistrement s’interrompt à nouveau parce que Mick passe à nouveau plus de temps à Paris, Bianca se préparant à accoucher, alors que Bill et Mick semble très fort s’inquiéter pour Keith mais qu’il ne parviennent pas à trouver de solution pour sortir du chaos des séances d’enregistrement. Andy, Jim, Bobby et Jimmy habitent maintenant tous ensemble dans l’appartement de Bobby qui surplombe la mer, passant la plus grande partie de leur temps libre à jouer au poker et à faire des paris les plus stupides les uns que les autres, dont certains consistent à augmenter les doses de drogue ou de dévaliser la cave à vin du propriétaire de l’immeuble. Les quatre musiciens sont donc priés de déguerpir : Andy et Jimmy s’installent au Negresco.

C’est la fin de l’été dans le Sud de la France et le chaos quotidien à Nellcôte se termine aux alentours du 1er octobre : « l’automne arrivait avec le froid » raconte Keith3. « Et on avait toutes ces chansons qu’on avait enregistrées dans le sous-sol et dans le camion. Mick et moi on s’est dit : on est arrivé au bout. Tout le monde était épuisé. C’était le climat général qui régnait. Ça y est on a presque terminé ». « Il y avait des tas de cartons pleines de bobines. Des heures et des heures et des heures », dit Bobby Keys9. « C’était au point qu’on ne savait même pas combien de chansons on avait. C’était très dur à encaisser car la plupart du temps c’étaient des sessions de jam, de superbes grooves, mais sans paroles pour la plupart. Il semblait que cela allait venir plus tard dans le processus d’enregistrement. De mon point de vue, je ne voulais pas que le disque se termine car j’y avais pris beaucoup de plaisir. Et j’étais payé pour tout ce que je faisais. Je ne me rappelle même pas si j’en ai vu l’argent mais je n’en ai jamais eu vraiment besoin, ou prenez le plutôt de cette manière ; si j’avais besoin d’argent, j’en gagnais ».

Le calme de la villa est brusquement interrompu par le vol de onze guitares5,ainsi que du jeu de saxophones noirs gravés de Bobby Keys, un baryton, un alto et un soprano. Parmi les guitares qui ont disparu on retrouve une vieille Gibson Flying Arrow d’Albert King, celle que Keith a utilisé à Hyde Park, et une basse Fender Mustang, celle de Bill. Le coup a probablement été mis en place par l’une des organisations qui fournissait de la drogue à Nellcôte. A qui Keith et Bobby pouvaient-ils devoir de l’argent ? Les guitares de Keith sont assurées pour 40.000$. Keith est en larmes lorsqu’il a appelé Ted Newman Jones pour lui demander de les remplacer. J’ai dit : « Oui », se souvient Jones6. « Et il m’a dit de venir à Los Angeles, où il allait bientôt vivre, et j’ai dit, « Je n’ai pas d’argent », puis il m’a répondu : « Je vais t’envoyer un billet, viens juste à Los Angeles, tu peux vivre avec moi, réparer toutes mes guitares, on peut s’installer dans une des chambres, sur la table de la cuisine, ou n’importe où». Ted Newman Jones accompagnera Keith pendant toute la tournée américaine des Stones. « Ce qui m’a tout de suite plu chez Keith, c’est son honnêteté, dit le Sudiste9. « Il m’a traité de façon juste, comme un être humain. Je ne savais pas comment seraient les Stones, mais Keith m’a fait une grande impression. J’aurais pu traîner avec lui, mais je n’en avais pas envie. Je voulais établir une amitié avec lui. Dès le début, il me posait toujours des questions sur ma vie, sur ce que je faisais » raconte Jones. Lassé de fréquenter constamment les gens du monde de la musique, Keith aimait rester en contact avec ceux dont la vie ne dépend pas des Stones ».

« C’était vraiment stupide », se souvient Stash de Rola7. « Anita a permis à ces Français de s’incruster à Nellcôte. La plupart de ces types étaient des drogués. Plus tard, ils ont reproché à Keith et Anita de les avoir excités, ce qui était un pur mensonge ». « Nous étions très naïfs », rapporte Anita. « La porte était ouverte, nuit et jour. Nous ne savions même pas où étaient les clés !» Parmi les personnes suspectées à un moment on retrouve donc « Fat Jack ». « Notre cuisinier s’est avéré être la connexion marseillaise dont j’avais besoin. Il avait une bande de comparses et on avait décidé que c’était plus sage de les occuper à faire « quelque chose ». Comme ils savaient « faire les courses », on les payait pour ça », raconte Keith.

« Un jour, j’ai vu une fille étrange que je n’avais jamais vue auparavant se promener dans la maison », rapporte Anita[20]. « Elle avait laissé son sac contre un mur. J’ai ouvert le sac et j’y ai trouvé une carte de police. Nous étions sous surveillance policière. Je suis donc allée à l’improviste dans notre poste de garde et j’y ait retrouvé une quantité incroyable de poudre ». La paranoïa se transformant rapidement en réalité, Anita prend une décision rapide et licencie une grande partie du personnel dont « Fat Jack » qui avait pris l’habitude de mélanger les fournitures de délices culinaires avec, l’acquisition d’héroïne auprès de dealers locaux. Un peu innocemment, dans un acte de bonne volonté, Anita engage la fille du cuisinier pour l’aider à la maison et à s’occuper de Marlon, une initiative qu’elle va bien vite regretter. Dans le tourbillon des licenciements, la nouvelle fait rapidement son chemin jusqu’aux familles de ceux qui viennent d’être renvoyés. Des rumeurs mêlées à du ressentiment, des histoires folles commencent à circuler, faisant état d’un océan de drogues et d’activités sexuelles à la villa, une rumeur suggérant qu’un invité aurait drogué une jeune fille avant d’avoir des relations sexuelles avec elle et qu’Anita aurait personnellement administré de l’héroïne à la fille d’un membre du personnel. Dans le maelström de ces accusations, il est également raconté que « Fat Jack » a tenté de corrompre Keith, une demande qui a été accueillie par un laconique « fuck off ». Anita rajoute : « Je pense que leurs mères sont allées à la police – les mères françaises sont très protectrices, presque comme les mères italiennes – et elles s’inquiétaient de leurs enfants travaillant pour nous. Elles sont donc allées les chercher et elles ont commencé à parler de nous. Puis ça a commencé à devenir assez lourd tout d’un coup». En tant que locataires de la propriété, Anita et Keith sont susceptibles d’être traînés en justice. La décision est prise de s’échapper le plus rapidement possible de la villa.

Au niveau musical, Andy Johns et Jimmy Miller commencent à s’intéresser au pré-mixage d’un aussi grand nombre de titres que possibles afin de tenter de convaincre les responsables d’Atlantic records que suffisamment de travail a été réalisé pour le nouvel album. Mais l’atmosphère a « Nellcôte » vire une nouvelle fois au désastre lorsque la maison prend feu alors que Keith et Anita sont allongés sur leur lit, leur matelas en flamme autour d’eux. Par miracle ils sont sauvés par le chauffeur de Keith, d’abord persuadé qu’ils ont été asphyxiés. Il s’avère qu’ils étaient complétement défoncés. Cette situation n’est malheureusement pas faite pour aider à terminer l’album. Bill Wyman rajoute : « Keith devenait encore moins communicatif. Lui qui avait toujours été si décisionnaire et affûté était maintenant vague et lointain », tandis que Mick Jagger a une bonne raison de s’absenter. Bianca accouche le 21 octobre 1971 d’une petite fille qui ne pèse guère plus d’un kilo et demi, prénommée Jade, Sheena5. Keith[21] prétend qu’ils l’on appelé Jade « parce qu’elle était précieuse et absolument parfaite ». Enthousiasmé par la naissance, Mick téléphone à Keith pour lui annoncer qu’il ne retournerait pas à Villefranche pendant trois semaines.

Le lendemain de la dernière livraison des Corses à « Nellcôte », après que Keith et Anita aient viré tous les invités suspects de la villa, les gendarmes débarquent. Après cette descente de police, Anita et Bobby Keys se font immédiatement inculper. « Fat Jack » semble être la seule personne qui ait pu les dénoncer. Etant donné leur mode de vie très particulier, Keith et Anita sont parvenus à se mettre à dos leur voisinage au-delà de toute raison. Maintenant que le mal est fait, ils vont devoir en subir les conséquences. Ils sont obligés de quitter la fabuleuse villa de Nellcôte sans attendre, craignant à tout moment que les gendarmes ne débarquent. Ils ne reverront jamais la maison et laissent derrière eux la collection de disque de Keith, la garde-robe bien fournie d’Anita et les jouets de Marlon, sans compter la jaguar XKE, le hors-bord « Mandrax 2 » et bien sur le perroquet. Pour faire diversion, Keith continue à payer les loyers de la maison.  Après près de huit mois plus que tumultueux, et un album loin d’être terminé, le temps de l’exil en France touche à sa fin. « Je ne me souvient pas de leur départ mais tout le monde est parti assez rapidement. Keith et moi on est resté quelques jours avec quelques autre personnes » se rappelle Anita. « Puis on a appris qu’il valait mieux partir car la police voulait nous arrêter. J’aimais ce sentiment d’être une hors-la-loi. De n’avoir aucun endroit pour me réfugier. On n’avait pas le choix, on ne pouvait plus se droguer. Il était temps de passer à autre chose ».

Après leur fuite du Sud de la France, Le Prince Rupert von Loewenstein[22] est obligé d’intervenir, d’abord discrètement avec l’aide de June Shelley et de savoir ce qui se passe au sujet de l’usage de la drogue à Nellcôte. Il reprend contact avec Me Jean Michard-Pellissier, l’avocat qu’il avait engagé pour négocier le statut fiscal des Stones, lors de leur arrivée en France. Me Michard-Pellissier est avocat à la cour d’appel de Paris. Il est l’ami personnel du premier ministre de l’époque, Jacques Chaban-Delmas. C’est un avocat brillant qui a défendu Henri Charrière, mieux connu sous le nom de « Papillon ». Il est également le conseiller juridique du maire d’Antibes, ce qui aura le mérite de simplifier les choses et de résoudre une situation juridique devenue périlleuse. Convoqués pour une première audition à Nice, le Prince Rupert joue les traducteurs : « les accusations de la police étaient épouvantables », déclare Keith souriant. « Mais c’était aussi très drôle, hilarant même, une comédie française à le Peter Sellers, un véritable film dans lequel un détective tapait lentement et solennellement à la machine pendant que le juge comprenait tout de travers. Il était persuadé qu’on était à la tête d’un réseau de prostitution, que la drogue état livrée et vendue par des types sinistres parlant allemand et un guitariste anglais ». Un compromis judicaire est négocié sauve la « peau » de Keith, qui doit quitter le territoire avec interdiction d’y revenir jusqu’à nouvel ordre.

 

[1] « Rolling with The Stones, la saga d’un groupe mythique en 3.000 photos » – Bill Wyman Bill –  Richard Havers – 2002 – Dorling Kindersley

[2] « Exile On Main Street – Une saison en enfer avec les Rolling Stones » – Robert Greenfield – Le Mot et le Reste – 2011

[3] «According to the Rolling Stones” – Mick Jagger, Keith Richards, Charlie Watts, Ron Wood – Edited by Dora Loewenstein and Philip Dodd– Weidenfeld & Nicholson – 2003

[4] « Stones in Exile » – Stephen Kijak – Promotone – 2010

[5] « Keith Richards – The Unauthorized Biography” – Victo Bockris – Omnibus Press – 2006

[6] «Behind the Boards – Andy Johns – When the Levee Breaks” – Jake Brown – Hal Leonard Books – 2012

[7] « The Rolling Stones Chronicle – The First Four Decades” – Massimo Bonanno – Plexus, London – 1997

[8] « Mick Jagger – Philip Norman – Robert Laffon – 2013

[9] “Stones In Exile”

[10] “The Stones Remember Making ‘Exile on Main Street’ in ‘Hitler’s Bunker’” – Rolling Stone – David Wild – 25/05/1997

[11] “And on piano…Nicky Hopkins – The extraordinary life of the rock’s greatest session man” – Julian Dawson – Backstage Press – 2011

[12] « Bill Wyman on Making The Rolling Stones’ Exile On Main St.” – Elliott Stephen Cohen – Bass Player – 24/08/2010”

[13] “The Rolling Stones – Fifty Years” – Christopher Sandford – Simon & Schuster – 2012

[14] «Every Night’s A Saturday Night – The Rock’n Roll Life of Legendary Sax Man Bobby Keys” – Bobby Keys – Bill Ditehhafer – Omnibus Press – 2012

[15] “Keith Richards – Life as a Rolling Stone” – Barbara Charone – Dolphin Books – 1979

[16] “Keith Richards – The Unauthorized Biography” – Victor Bockris – Omnibus Press – 2006

[17] «She’s a Rainbow : The extraordinary life of Anita Pallenberg” – Simon Wells – Omnibus Press – 2021

[18] « Engineer Andy Johns discusses the making of The Rolling Stones’ ‘Exile on Main Street’” – Goldmine mag – Patrick Prince – 08/05/2010

[19] « Keith Richards – une guitare dans les veines » – Victor Bockris et Hervé Denès – Albin Michel – 1994

[20] “Anita Pallenberg Interview: Exile On Main Street” – Pleasekillme.com – Sylvie Simmons – 20/06/2017

[21] “« J’étais le dealer des Rolling Stones » – Tony Sanchez – Le Mot Et le Reste – 2012

[22] «A Prince Among Stones: That Business With the Rolling Stones and Other Adventures” –  Loewenstein, Prince Rupert – Bloomsbury – 2013